Zones à Faibles Émissions : réorienter les choses pour sortir de la domination automobile
Créées en 2019 pour limiter la pollution de l’air, les Zones à Faibles Émissions (ZFE) suscitent des débats sur leur impact social. Le cabinet Auxilia a mené une étude destinée à identifier les freins rencontrés par les publics vulnérables et tester des solutions de mobilité alternatives. Décryptage avec Marc Fontanès, administrateur du réseau Cler et directeur général adjoint d'Auxilia Conseil.
Publié le 14 mai 2025
Comment fonctionne une ZFE ?
Marc Fontanès : C’est une mesure de régulation locale de la circulation visant à réduire les émissions de polluants pour améliorer la qualité de l’air en ville. Elle porte sur la restriction de l’accès des véhicules les plus anciens en fonction des vignettes Crit’Air à une partie d’un territoire métropolitain. Le cadre général est défini par la loi, c’est aux collectivités locales et métropoles de définir les modalités d’application spécifiques à leur territoire : périmètre, véhicules concernés, dérogations. La loi Climat et résilience de 2021 a étendu les ZFE aux agglomérations de plus de 150 000 habitants. Plus de 40 agglomérations sont concernées à l’échelle nationale.
Quelles inégalités peuvent naître de la mise en place d’une ZFE ?
M.F. : À Lyon, Paris, La Rochelle, Limoges et Montpellier, on s’aperçoit que les zones de vulnérabilités socio-spatiales sont situées en périphéries, avec des taux de véhicules anciens plus importants, une plus forte vulnérabilité socio-économique, des territoires plus excentrés pour accéder à l’emploi, aux services et commerces essentiels. L’offre de solutions alternatives y est moins efficace. Il y a aussi des zones de vulnérabilité au cœur des agglomérations. Quand les solutions alternatives (vélo, transports en commun, autopartage) existent comme à Lyon et Paris, elles ne sont pas toutes proposées sous un format unifié. Cela génère des freins, du non-recours, des incompréhensions. Les publics vulnérables échappent au parcours utilisateur classique imaginé par les offreurs de solutions (problématiques administratives et numériques).
Quelles sont les recommandations du rapport Auxilia ?
M.F. : Il serait souhaitable de tendre vers un titre unique, multi-accès à toutes les offres de mobilité alternatives sur une agglomération. Cela suppose que les acteurs de la mobilité et le monde de l’accompagnement social, mais aussi les territoires entre eux (agglomérations et leurs périphéries) améliorent leur collaboration. Pour un changement de comportement global en matière de mobilité, il faut un accompagnement massifié, proposer un conseil téléphonique ou physique pour les personnes mal à l’aise avec les outils numériques. Dans un contexte de ZFE, cela peut permettre d’accompagner une stratégie globale de mobilité sous contrainte pour une collectivité.
Réorienter les choses pour sortir de la domination automobile, dans les infrastructures et les offres comme dans les mentalités
Marc Fontanès
Directeur général adjoint d'Auxilia Conseil et administrateur du réseau Cler
Comment construire des politiques de mobilité durables et inclusives ?
M.F. : L’offre doit exister, être diversifiée pour répondre aux différents besoins, en allant chercher les gens là où ils sont. Il manque pas mal de solutions de périphérie à périphérie, de densité d’offres sur des polarités secondaires même si des agglomérations étendent leurs réseaux cyclables et de transports en commun, voire proposent la gratuité comme à Montpellier. Il faut également développer un dispositif d’accompagnement vers cette offre, à destination des publics plus vulnérables. La voiture est un maillon important de la chaîne d’intermodalité, notamment des territoires moins denses vers les plus denses, mais il faut réorienter les choses pour sortir de la domination automobile, dans les infrastructures et les offres comme dans les mentalités. Avec une forte volonté politique, on pourrait développer des politiques durables et inclusives qui auraient des impacts sur les attendus des ZFE, sur la qualité de l’air mais avec une façon de procéder différente.
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