Pour développer le secteur de la mobilité durable et inclusive en France, le programme Tims accompagne 9 territoires à mobilité et inclusive. L’objectif, créer un cadre de gouvernance qui permette une intégration plus systémique de la mobilité en mettant en lien les acteurs du territoire. Décryptage avec Sébastien Goulard, coordinateur de ces territoires.
Publié le 24 avril 2025
Qu’est-ce qu’un territoire à mobilité durable et inclusive ?
Sébastien Goulard : Les territoires à mobilité durable et inclusive sont accompagnés par le programme Tims avec l’objectif d’intégrer la mobilité durable et inclusive dans la gouvernance de leur territoire. Le programme Tims les accompagne sur trois étapes : la réalisation d’un diagnostic, la création d’un schéma de gouvernance, puis la définition d’un plan d’action. Ils ont été sélectionnés dans le cadre d’un appel à manifestation d’intérêt avec l’objectif de développer une meilleure prise en compte des enjeux de mobilité dans les politiques d’aménagement du territoire, et ce dans une logique de transition juste.
Ces 9 territoires sont répartis sur 7 régions de France. Ce sont principalement des territoires ruraux et éloignés des grands centres urbains. Cependant, ils ont des profils assez différents : des communautés de communes soit seules soit en consortium avec des associations, deux Parc Naturels Régionaux, une ALEC, un département, etc. Les personnes derrière ces projets ont eux aussi des expériences variées : certains sont chevronnés, d’autres sont en début de carrière. Certains viennent de la transition et d’autres de la mobilité ou de l’action sociale. Dans tous les cas, la dimension humaine est très importante.
Quel est impact pour ces territoires ?
S.G : On attend de ces territoires qu’ils puissent diminuer l’approche en silo de la mobilité et développer une gouvernance qui prend en compte les besoins de tous les acteurs du territoire sur les questions de mobilité, y compris ceux qui ne travaillent pas directement sur les questions de mobilité, comme les acteurs du secteur social, de la santé, de la jeunesse et de l’emploi (associations, centres sociaux, lycées, entreprises, clubs sportifs, etc.).
L’ambition pour ces territoires est la mise en place rapide d’une approche de concertation et de dialogue.
S.G : Le rôle du programme Tims, est de faire le lien entre les 9 territoires afin qu’ils puissent être autonomes et avancer ensemble sur les questions de gouvernance. Nous proposons un appui méthodologique et financier et avons un rôle de mise en relation. À ce stade, ils ont déjà pu se rencontrer plusieurs fois et partager leurs expériences, avec l’objectif qu’ils puissent le faire en se passant de nous sur le moyen terme dans la mise en œuvre de leur plan d’action.
Où en sont-ils dans leur développement ?
S.G : Ils en sont à la phase de diagnostic. Si un diagnostic est souvent demandé dans les plans de mobilité, ils sont généralement plus globaux que dans d’autres projets : il comporte un diagnostic territorial (identifier les acteurs présents sur le terrain, les différents publics et les zones blanches ou il n’y a pas de services), mais aussi un diagnostic sociologique qui permet d’aller plus loin en se demandant comment les habitants s’approprient ce qui existe déjà et quelles sont les solutions à développer, avec un focus sur certains publics qui ont plus de difficultés liées à la mobilité (jeunes, seniors, personnes en insertion professionnelle, etc.). Il faut que les acteurs du territoire soient associés pour qu’ils montent en compétence. Grâce à ce diagnostic, les chargés de mission identifient des acteurs, qui seront ensuite intégrés dans cette gouvernance.Nous portons une attention particulière à ne pas multiplier les instances : l’objectif est de repartir dans la mesure du possible de l’existant afin de pouvoir avancer ensemble et faire le lien entre les différents acteurs, la région et le département. C’est la deuxième étape de ce projet : la création de relations multi-niveaux à l’échelle territoriale.
Comment cette dynamique participe-t-elle à la structuration du secteur de la mobilité durable et inclusive ?
S.G : Pour qu’un projet de mobilité réussisse, on a besoin qu’il soit porté par des élus afin d’être traduit dans les documents de planification. C’est un travail de long terme, et il faudra plus que quelques mois pour structurer le secteur, mais la mobilisation des acteurs et le travail sur la gouvernance y participent. Aujourd’hui, beaucoup d’actions de mobilité sont soit durables, soit inclusives mais rarement les deux. La démarche engagée avec ces territoires participe à rapprocher les deux secteurs. Il faut embarquer les gens. Nos territoires le font en les incluant dans leurs diagnostics et en partageant les résultats. Ils doivent aussi renforcer la relation avec les acteurs déjà engagés et s’appuyer sur la mobilisation de quelques élus pour donner l’exemple et mobiliser les autres sur le long terme. L’objectif est de déclencher une dynamique d’émulation.
Le programme Tims accompagne aussi des projets locaux. Quels liens entre ceux-ci et les territoires à mobilité durable et inclusive ?
S.G : Tout d’abord, certains territoires à mobilité durable et inclusive englobent des projets locaux, comme c’est le cas dans l’Ain. Ces dynamiques interviennent à des échelles différentes qui sont amenées à se croiser. L’objectif de nos territoires est de mettre en place des actions concrètes dans leurs plans d’action. Ils ont donc besoin de voir comment les choses fonctionnent et vont se nourrir de ce qui est porté par des associations locales sur le territoire. Dans le même sens, les porteurs locaux sont en lien avec leur collectivité, via un consortium ou car ils ont besoin d’accompagnement pour pérenniser leurs actions. C’est une rencontre dans les deux sens. Les territoires à mobilité durable et inclusive vont du politique vers l’opérationnel, les projets locaux de l’opérationnel vers le politique, et ils se croisent quelque part dans cette progression.
Quel avenir au-delà du programme Tims ?
S.G : L’ambition après 2026 et la fin du programme, c’est que les territoires puissent utiliser toutes les idées qu’ils ont eu comme brique pour un prochain document de planification, au lieu de repartir de 0. Une dynamique à conserver malgré les changements d’équipe potentiels suite aux élections municipales. Dans tous les cas, il faudra garder l’intérêt des acteurs mobilisés sur le territoire. C’est tout un travail pour lequel ces territoires se forment, avec une volonté de pérenniser la dynamique enclenchée. L’objectif n’est pas de rentrer en concurrence avec des initiatives déjà présentes : ces territoires pourraient s’accoler à des réseaux existants, comme celui des Territoires à énergie positive (TEPOS) pour continuer à structurer le secteur émergent de la mobilité durable et inclusive.