Basés sur l’apprentissage de la vélonomie, les ateliers d’auto-réparation de vélo n’échappent pas au sexisme ordinaire. Pour Bérengère Subtil, chargée de plaidoyer mobilité solidaire à la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB), il faut multiplier les initiatives pour combattre les inégalités liées au genre.
Publié le 5 juillet 2024
« Ceci est un tournevis. Ceci n’est pas une compétence plus féminine que masculine. Il suffit d’apprendre », peut-on lire sur les murs de l’atelier d’auto-réparation de vélos de l’association La Solid’, basée à Clisson. Un message de sensibilisation destiné à combattre les pratiques genrées de la mécanique vélo. « Nous sommes loin d’une parité et d’une société égalitaire dans les ateliers d’auto-réparation. Il y a beaucoup moins de réparatrices et de femmes qui viennent réparer que d’hommes », signale Bérengère Subtil. Dans ces espaces, les participants apprennent la vélonomie, c’est-à-dire à être autonomes dans l’entretien et la réparation mécanique d’un deux roues. « S’ouvrir à la mécanique permet de gagner en autonomie, de se sentir plus capable, d’avoir de la puissance vis-à-vis d’un objet du quotidien qui permet de se déplacer », formule-t-elle.
Selon une enquête publiée en 2023 par l’association Les Roues libres, 13 % des métiers de la filière technique du cycle sont occupés par des femmes. Pour la chargée de plaidoyer mobilité solidaire, cette absence de mixité dans les ateliers s’explique d’abord par un phénomène de socialisation genrée. « Le bricolage est associée à une socialisation masculine. Les femmes sont moins poussées à la culture de la débrouille. » Deuxième raison invoquée : le sexisme ordinaire. « Cela commence par l’attitude des réparateurs qui partent parfois du principe que les femmes ne vont pas savoir faire, leur prennent les outils des mains, font du mansplaining et n’ont pas une attitude empouvoirante sur le sujet », regrette Bérengère Subtil.
« Le fait que ces ateliers soient des univers très masculins désincite les femmes à venir dans un espace où elles ne peuvent pas facilement s’identifier ou risquent d’être confrontées à des attitudes sexistes. C’est un cercle vicieux. »
Contrebalancer les déséquilibres
Pour tendre vers l’égalité des genres dans le milieu du deux roues, des associations membres de la FUB ont mis en place des ateliers en mixité choisie réservés aux femmes, minorités de genre ou personnes discriminées. C’est le cas de Biclouves (Bordeaux), des Increvables (Nantes) ou de l’Atelier solidaire (Saint-Ouen). « Elles vont pouvoir s’approprier un espace, des outils sans entrave, et partager selon un principe de forte sororité. » Un lieu sécurisant qui leur permet de se sentir ensuite plus légitimes et mieux armées pour faire face aux comportements sexistes dans des ateliers mixtes. Pour sensibiliser réparateurs et bénévoles, La Solid’ a aussi mis en place des formations sur les sujets d’inégalités de genre et de sexisme ordinaire. De son côté, la FUB développe des fiches thématiques pour aider les structures à développer des initiatives en faveur de l’égalité femme/homme et de l’inclusivité. « Les associations membres s’étaient déjà emparées du sujet. En tant que tête de réseau, notre rôle est de créer des espaces d’échange, de partage d’expérience, et de développer des plaidoyers pour faire connaître ces inégalités et les combattre », conclut Bérengère Subtil.